Antoine Rousseau
Une scène inhabituelle s’est déroulée ce mercredi au cœur du Vatican, lors de l’audience hebdomadaire du pape François. Deux militantes de l’organisation PETA ont brièvement interrompu la cérémonie pour dénoncer la pratique de la corrida, ravivant un débat séculaire au sein de l’Église catholique sur le traitement des animaux.
Une interruption éclair mais percutante
L’audience papale, moment sacré pour les fidèles catholiques du monde entier, a été le théâtre d’une action militante aussi brève qu’inattendue. Deux femmes, membres de l’association PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), ont fait irruption dans la salle d’audience, brandissant des pancartes aux messages sans équivoque.
Sur ces pancartes, on pouvait lire en anglais et en italien : « La tauromachie est un péché ». Les T-shirts portés par les activistes affichaient quant à eux le slogan « Stop blessing corridas » (Arrêtez de bénir les corridas). Cette action éclair visait à interpeller directement le pape François sur la question de la corrida, une pratique encore soutenue par certains membres du clergé catholique.
Les militantes n’ont eu que quelques secondes pour faire passer leur message avant d’être rapidement escortées hors de la salle par les services de sécurité du Vatican. Malgré sa brièveté, cette interruption a suffi à créer un moment de stupeur parmi les fidèles présents et à attirer l’attention des médias du monde entier.
PETA : une stratégie de choc pour faire passer son message
Cette action au Vatican n’est pas un coup d’essai pour PETA. L’organisation est connue pour ses méthodes spectaculaires visant à attirer l’attention du public sur la cause animale. En choisissant d’intervenir lors de l’audience papale, PETA frappe un grand coup médiatique.
Les objectifs de cette action sont multiples :
- Interpeller directement le pape François sur la question de la corrida
- Rappeler la position historique de l’Église contre cette pratique
- Dénoncer le soutien de certains prêtres catholiques à la tauromachie
- Sensibiliser le grand public à la souffrance animale dans les arènes
Anissa Putois, porte-parole de PETA France, explique : « Nous avons choisi ce lieu symbolique pour rappeler que l’Église catholique a déjà condamné la corrida par le passé. Il est temps que le pape François renouvelle cette condamnation et mette fin au soutien de certains prêtres à cette pratique cruelle. »
La corrida : une tradition controversée au cœur du débat
La corrida, spectacle taurin emblématique de l’Espagne et de certains pays d’Amérique latine, divise profondément l’opinion publique. Ses défenseurs y voient un art ancestral et une tradition culturelle à préserver. Ses détracteurs dénoncent quant à eux une pratique barbare et cruelle envers les animaux.
Quelques chiffres pour comprendre l’ampleur du phénomène :
- Environ 250 000 taureaux tués chaque année dans les arènes du monde entier
- Plus de 1 800 corridas organisées annuellement en Espagne
- 6 pays au monde où la corrida est encore légale et pratiquée
La controverse autour de la corrida ne se limite pas à la sphère publique. Au sein même de l’Église catholique, le débat fait rage depuis des siècles.
L’église catholique face à la tauromachie : un positionnement ambigu
L’histoire de l’Église catholique et de la corrida est complexe et parsemée de contradictions. En 1567, le pape Pie V prenait une position ferme en interdisant les corridas, les jugeant « cruelles et contraires à la piété et à la charité chrétiennes ». Cette décision, révolutionnaire pour l’époque, semblait marquer un tournant dans l’approche de l’Église vis-à-vis du traitement des animaux.
Pourtant, près de cinq siècles plus tard, la situation est loin d’être aussi claire. De nombreux prêtres catholiques continuent d’officier lors des cérémonies religieuses liées aux corridas. Certaines arènes disposent même de chapelles où les toreros peuvent prier avant d’entrer dans l’arène.
Cette ambiguïté est au cœur de la démarche de PETA. L’organisation demande au pape François de prendre clairement position contre la tauromachie, dans la lignée de son prédécesseur Pie V.
Le Pape François : un pontife sensible à la cause animale ?
Depuis son élection en 2013, le pape François s’est distingué par ses positions progressistes sur de nombreux sujets. La question du bien-être animal n’a pas échappé à sa réflexion. Dans son encyclique « Laudato Si », publiée en 2015, il aborde la responsabilité de l’homme envers la création, y compris les animaux.
Cependant, le pontife argentin n’a pas encore pris position officiellement sur la question spécifique de la corrida. L’action menée par PETA au Vatican vise justement à le pousser à clarifier sa position sur ce sujet sensible.
Vers une évolution des mentalités ?
L’interruption de l’audience papale par les militantes de PETA s’inscrit dans un contexte plus large d’évolution des mentalités concernant le traitement des animaux. De plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’interdiction de la corrida, y compris dans les pays où elle est traditionnellement ancrée.
En Espagne, berceau de la tauromachie, plusieurs régions ont déjà interdit ou limité cette pratique. En France, des initiatives similaires sont régulièrement débattues. Cette tendance reflète une prise de conscience croissante de la souffrance animale et une remise en question des traditions au nom du bien-être animal.
L’action menée au Vatican par PETA pourrait-elle accélérer ce mouvement ? Seul l’avenir nous le dira. Une chose est sûre : en choisissant de cibler directement le pape François, les militants animalistes ont réussi à placer la question de la corrida au cœur du débat public, bien au-delà des frontières du Vatican.
Alors que le monde continue d’évoluer et que les questions éthiques prennent une place croissante dans nos sociétés, l’Église catholique se trouve face à un défi de taille : concilier tradition et modernité, respect des coutumes locales et protection des êtres vivants. La réponse du pape François à cette interpellation pourrait bien marquer un tournant dans l’histoire de la tauromachie et, plus largement, dans notre rapport aux animaux.
